Conférence de S.E.M Alexandre Orlov à l’Hôtel Hermitage

21 janvier 2015

Intervention de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Alexandre Orlov sur le thème de

« La contribution de la Russie à l’évolution de la civilisation européenne »
à l’Hôtel Hermitage.

 

 » Mesdames et messieurs,

J’ai mis du temps à choisir le sujet de mon intervention. Les relations internationales traversent aujourd’hui la période la plus dramatique depuis la fin de la « guerre froide » et on aurait pu parler des causes de la tension actuelle. On aurait pu parler de l’émergence douloureuse du nouvel ordre mondiale, du monde multipolaire que certains cherchent empêcher à tous prix. On aurait pu parler de la politique d’endiguement de la Russie et de la vrai tragédie que vie aujourd’hui le peuple de l’Ukraine.

Mais je ne veux pas profiter de cette tribune pour répéter une fois de plus ce que les dirigeants russes ont tant de fois dit tout au long de l’année écoulée. Je me limiterai à suggérer à ceux qui veulent mieux comprendre l’attitude russe face aux événements en Ukraine, et plus généralement face à la crise actuelle des relations internationales deux documents – l’intervention du Président V.Poutine au Club de Valdaï du 24 octobre 2014, et l’article du Premier-ministre D.Medvedev « La Russie et l’Ukraine: vivre selon de nouvelles règles » du 9 décembre dernier.

Ce ne sont pas les sanctions, qui finiront au bout du compte par rendre l’économie russe plus forte et indépendante, qui me préoccupent aujourd’hui, ni les efforts des Etats-Unis de faire durer le monde unipolaire soumis à leur hégémonie.
Ce qui m’inquiète vraiment, c’est cette incitation à la
haine pour la Russie et son Président que pratiquent les médias français depuis des années. Des pages des journaux, des écrans de télés et des plateaux de discussions vous somment que la Russie et l’Europe appartiennent à des civilisations différentes. Que leurs fondements, leurs « codes culturels » sont différents et par conséquent les voisins de la Russie doivent faire le choix civilisationel. On présente notre pays comme une éternelle menace pour l’Europe, et l’Europe de l’Est comme victime non moins éternelle de « l’agression russe ».
Cette « philosophie » ne date pas d’hier, mais aujourd’hui elle a reçu un nouveau souffle. La russophobie servait toujours de prétexte à la confrontation géopolitique avec la Russie. Elle déforme et dénature la mémoire historique des Européens, monte dans leur conscience des barrières plus vivaces et plus solides que les régimes des visas ou les tarifs douaniers.
Nous les Russes, nous ne pouvons pas nous situer en dehors de la civilisation européenne. C’est à son sein que nous nous sommes constitués comme une nation. Hugo, Bizet ou Monet font partie de notre identité au même titre que Tolstoï, Tchaïkovski ou Repine.
Serait-il possible d’imaginer, comme le prônent certains critiques de notre pays, la civilisation européenne sans la Russie? Pour moi, le fait même de poser cette question témoigne de l’ignorance la plus profonde. Mais comme la question est posée, il convient d’y donner une réponse claire et nette.

Je crois que la meilleure façon de le faire serait d’entreprendre une sorte de « voyage » à travers les grandes étapes de l’histoire russe. Sans prétendre à l’analyse exhaustive, j’essaierai de démontrer qu’il serait erroné et injuste d’oublier le rôle de la Russie dans la formation de la civilisation européenne. J’en profiterai aussi pour dissiper quelques clichés et mythes historiques. Ce voyage imaginaire à travers l’histoire de la Russie serait une sorte d’introduction à l’Année de la Russie à Monaco.
Je sais combien l’image de la Russie est stéréotypée, à quel point maigres et fragmentées, voir sélectives, sont les connaissances des Européens sur son passé et son présent. Au cours de son histoire la Russie a connu des moments de grandeur mais aussi des tragédies. Tout comme la France, l’Allemagne ou n’importe quel autre pays européen. Ce qui est important de souligner, c’est qu’on ne peut pas juger du passé sur les valeurs, les normes du droit ou du moral d’aujourd’hui. Sinon il faudra traiter Lois XIV de dictateur, et mettre Richard Cœur de Lyon et Saint Lois sur le même pied que les dirigeants de l’Etat Islamique – ils faisaient eux-aussi des croisades sur la Terre Sainte et exterminaient ceux qui ne partageaient pas leur foi.
En 2012 nous avons célébré 1150 ans de la naissance de l’Etat Russe qui remonte à 862 – l’année ou selon la légende les habitants de Novgorod ont invité Riourik à devenir leur prince. Les historiens discutent encore si ce personnage était d’origine scandinave. Mais même si on retient cette version, ça n’a rien d’anormale pour l’Europe de l’époque. Souvenez-vous que c’est à peu-prêt au même moment, en 911 que le chef norman Rollon a fondé le Duché de Normandie.
Ainsi le peuple russe ressort-il de l’alliage des Slaves-laboureurs et des Normands turbulents – guerriers et marchands. Cette synergie a posé des bases du caractère national, qui s’est forgé depuis tout au long de notre histoire.

Le peuple russe a eu une voie historique longue et périlleuse. Plusieurs autres peuples et états ont disparus, mais les Russes et la Russie sont toujours là. Nous y sommes malgré les guerres fratricides et la lutte interminables contre les envahisseurs. Nous y sommes grâce aux trois traits, qui définissent le caractère et la vitalité du peuple russe: l’amour pour la Patrie, l’endurance et, enfin, – ses talents.
La première capitale de notre pays – Novgorod, fut très rapidement transférée à Kiev, autour duquel s’est formé le plus grand état de l’Europe – la Rus’ de Kiev. C’est depuis ce temps-là qu’on appelle Kiev « la mère des villes russes ».
Un autre événement majeur qui a influencé l’identité du peuple russe et l’a cimenté dans son unité fut le baptême de la Rus’ en 988. Le peuple et la culture russes sont devenus une partie inaliénable du grand monde chrétien.
Il ne serait pas inutile, surtout aujourd’hui, de rappeler que le Prince Vladimir qui a baptisé la Rus’, lui-même le fut en Crimée, à Chersonèse, où se trouve aujourd’hui la ville de Sébastopol. Ainsi on peut dire que pour les Russes la Crimée est un lieu non seulement historique, mais aussi sacrale, comme Reims où fut baptisé Clovis l’est pour les Français.
Des bibliothèques entières sont consacrées au choix de Vladimir, qui a opté pour l’orthodoxie – la forme orientale du christianisme. Ce choix pouvait s’expliquer par maintes raisons, mais il faut se souvenir qu’est-ce qu’était en ce temps lointain la Byzance. La différence entre Constantinople et Paris était à l’époque à peu près la même qu’elle est aujourd’hui entre Paris et une capitale du tiers monde. En fait Vladimir a fait « un choix européen » qui était évident en son temps. D’autre part, les contradictions entre les chrétiens de l’Est et de l’Ouest n’avaient pas encore atteint leur niveau critique. Cela viendra plus tard, en 1054.

Il convient de dire que la Russie a beaucoup apporté à la culture et à la pensée religieuse chrétienne, notamment son architecture religieuse incomparable et son école éminente de la peinture d’icônes. Ainsi, Andreï Roublev est la même chose pour les icônes que Leonard da Vinci est pour la peinture. La philosophie religieuse russe a largement influencé (tantôt directement, tantôt à travers la littérature) la philosophie, la conscience et l’identité d’autres peuples européens.
L’affinité russo-européenne était non seulement spirituelle. Jusqu’au XIII-ème siècle l’évolution sociale de la Rus’ suivait, et parfois même devançait celle d’autres pays de notre continent. Ainsi au XIIIème siècle déjà l’état de Novgorod était organisé sous forme de république.
Certes, certains processus, certaines étapes de la construction sociale et spirituelle ont survenus chez les Slaves de l’Est avec quelques siècles de retard par rapport à leurs voisins germaniques, qui eux avaient hérité des moyens de productions et d’institutions sociales de l’Empire Romain. Néanmoins vers XII siècle le peuple russe a complètement gommé ce retard. Pour le niveau du développement des arts, des métiers, du commerce, de l’urbanisme la Rus’ de Kiev n’avait rien à envier aux pays de l’Europe occidentale, plus encore elle les dépassait sur plusieurs points.
L’unité de la Rus’ et autres états de l’Europe était soudé par des liens dynastiques. Comment ne pas se rappeler de la princesse Anne – fille de Yaroslav le Sage, – reine, et puis régente de la France, qui a apporté à la vie culturelle et religieuse française les éléments de la tradition russe. Ainsi son fils fut baptisé au nom orthodoxe de Philippe. Le nom qu’ont porté depuis plusieurs autres rois français.

Depuis les premières années de son existence l’Etat Russe a joué un rôle essentiel pour le destin de la civilisation européenne. Il est devenu le rempart contre les hordes des peuples nomades venus de l’Asie. Saignée par les guerres interminables contre les Khazars, Petchenègues, Polovets ou Mongols la Rus’ a offert aux pays de l’Europe occidentale la possibilité de se développer dans des conditions extérieures favorables.
Là nous arrivons à un moment critique de l’histoire russe – l’invasion mongole. Les Français vénèrent Sainte-Géneviève, sainte-patronne de Paris, qui a sauvé la ville d’Attila. Et pourtant les hordes de ce dernier n’avaient resté en Gaulle que quelques mois. Et maintenant essayez d’imaginer l’invasion d’Attila pendant 250 ans. Car c’est bien autant qu’a duré le joug de l’Horde d’Or. On estime que rien que durant les premières années de l’invasion, la Rus’ a perdu la moitié de sa population, la majorité des villes ont été détruites. Le pays a été rejeté des siècles en arrière. Mais il a accompli sa mission de « bouclier vivant de l’Europe ». L’ambition des khans mongols de conquérir tout le continent n’a pas pu se réaliser. Rien que la résistance héroïque de Kiev leur a couté un quart de l’armée.

L’invasion mongol a été lourde de conséquences pour mon pays. Dévastées par les Mongols les principautés russes du Sud et de l’Ouest sont devenues des proies faciles pour la Lituanie et la Pologne. C’est à partir de ce moment au XIII-ème siècle que sur ces territoires occupés commencent à se former, sur la base du peuple russe mais sous l’influence lituanienne et polonaise, deux nouvelles ethnies – ukrainienne et biélorusse.
Les critiques de la Russie se souviennent volontiers du partage de la Pologne au XVIII-ème siècle, y voyant l’exemple de « l’agression russe ». Mais ils préfèrent oublier que l’initiative de ce partage appartenait au Prusse et à l’Autriche. Que la Pologne a joui au sein de l’Empire Russe d’une autonomie des plus vastes, qui a permis au peuple polonais de développer sa culture et son identité nationale. Le XIX-ème siècle est devenu « l’âge d’or » de la littérature, musique et science polonaises… Oui, les révoltes étaient réprimées, mais cela correspondait parfaitement aux pratiques européennes de cette époque. Ce qui compte, c’est que le partage de la Pologne n’a pas engendré la division du peuple polonais, contrairement à la division de la Rus’ opérée jadis par la Pologne et la Lituanie. C’est pourquoi le partage de Pologne était perçu dans l’Empire Russe comme le retour des territoires occupés, et les Biélorusses et les Ukrainiens le voyaient comme la réunification de leurs peuples avec le peuple russe.

A propos, c’est bien à partir du XIII-ème siècle qu’apparaisse la méfiance des Russes à l’égard de l’Occident. Les princes russes espéraient l’aide de leurs frères chrétiens face à une menace commune venant de l’Orient (tout comme aujourd’hui nous espérons pouvoir faire front commun avec l’Europe face à l’islamisme radical). Mais les féodaux allemands, polonais et lituaniens ont préféré profité de la situation pour arracher des morceaux de la Rus’ affaiblie. Alexandre Nevsky a repoussé l’agression des chevaliers de l’Ordre Teutonique (certains ont peut-être vu le film de Sergueï Eisenstein qui raconte ces faits), mais la méfiance a resté.
C’est en ce moment qu’apparaissent à l’Occident les premières théories traitant les Russes de « chrétiens inférieurs » bon à conquérir et à dominer. La russophobie s’est mise au service de « Drang nach Osten ». Et le peuple russe cerné des deux cotés s’est retrouvé devant le choix. Soit – la domination occidentale, donc le refus de l’orthodoxie et de son identité, soit – le joug mongol, à qui il fallait payer tribut, mais pouvoir conserver l’autonomie politique et spirituelle. Le choix était évident.
Aujourd’hui on accuse les dirigeants russes de cultiver la mentalité d’une « forteresse assiégée ». Mais cette mentalité chez les Russes ne date pas d’hier, ni même d’avant-hier. Elle est due à une expérience historique séculaire de coexistence avec nos voisins occidentaux.
Le peuple et l’Etat russes ont survécu dans les régions Nord-Ouest du pays, et la capitale a été transférée à Vladimir. Puis a commencé un long processus de consolidation des terres russes autour de Moscou, qui en est devenu la nouvelle capitale. Les siècles suivants – c’est la période d’affranchissement du joug étranger. C’est sur cette voie que la Russie a retrouvé sa grandeur et sa force.
Mais le redressement du pays s’effectuait dans des conditions particulières, qui ont conditionné la voie de son évolution sociale. Les russophobes aiment répéter que la « conscience d’esclaves » est un trait inné des Russes. Ils se référent a l’absolutisme politique et au système de servage qui existaient en Russie plusieurs siècles. Mais de la même manière on pourrait accuser de « conscience d’esclaves » les Américains. Il y a 150 ans à peine les ancêtres d’une moitié de la population américaine étaient des esclaves dans le sens propre de ce terme. Et les pères-fondateurs de la démocratie américaine, dont Georges Washington lui-même, étaient esclavagistes. D’ailleurs, le servage existait aussi dans d’autres pays européens. Le problème est ailleurs. L’absolutisme et le servage ne sont pas nés en Russie d’une vie facile.
Contrairement aux pays de l’Europe occidentale, où la formation des états centralisés suivait le développement des marchés nationaux, en Russie ce processus se déroulait au XIII-XVI siècles sur le fond du rassemblement du peuple contre la domination étrangère, et dans des conditions d’une menace extérieure permanente – de l’Est comme de l’Ouest. L’objectif qui a demandé un pouvoir central fort, et la mobilisation de touts les ressources du pays.
Ainsi s’est concrétisée une forme particulière d’une société féodale, qui se distinguait entre autre par l’absolutisme et le servage. Si l’absolutisme français constituait un compromis entre la bourgeoisie et la noblesse, dont l’une était encore, et l’autre – déjà trop faible, le monarque russe était lui l’incarnation des intérêts de toutes les classes de la population, le Défenseur des terres russes. Ce n’est qu’en Russie qu’on appelait le tsar – « batiouchka » – la façon la plus respectueuse de désigner le père. Mais il lui fallait des ressources pour financer l’administration d’état centralisé et l’armée, et l’exploitation des paysans constituait à l’époque la seule possibilité d’obtenir les moyens nécessaires, d’où vient le servage. L’absolutisme et le servage c’était le prix que le peuple russe a payé pour le droit de rester indépendant, de rester lui-même.
La Russie a pu non seulement s’affranchir du joug étranger, mais au long des siècles elle a repoussé ses frontières jusqu’à l’Océan Pacifique. En allant vers l’Est la Russie a accompli son autre mission – d’élargir l’espace de la civilisation chrétienne et européenne au-delà des frontières géographique de l’Europe. Ce processus s’est traduit non seulement par la conquête de nouveaux territoires inhabités, mais aussi par la propagation parmi de nombreux peuples de la Sibérie, le l’Asie Centrale, du Caucase et de l’Extrême Orient de la langue et la culture russe, et par leur intermédiaire – de la culture européenne.

En rattachant de nouveaux territoires et nouveaux peuples (paisiblement pour leur majorité, par la force des armes – ce qui était tout à fait normale à l’époque – pour d’autres) la Russie ne s’est jamais transformée pourtant en un empire colonial classique – comme les empires britannique ou français. Elle n’a jamais connue la division entre la métropole et les colonies. Les peuples rattachés n’étaient jamais réduits en esclavage ni exploités, mais obtenaient les mêmes droits que toute la population. Leur noblesse, y compris celle issue de la Horde d’Or était égale en droits à la noblesse russe. Ainsi le tsarévitch tatar Mamatkoul commandait l’armée du tsar Boris Godounov, et le prince géorgien Bagration était un des chefs de l’armée russe pendant la guerre de 1812 contre Napoléon. La Russie doit une partie de sa gloire aux familles tatares de Youssoupov, Glinsky, Akhmatov, Koutousov, Kotchoubey et autres. Peut-on imaginer quelqu’un qui s’appellerait Ahmet diriger l’Etat français? Et l’Union Soviétique était pendant de longues années dirigée par le Géorgien Djougashvili et par l’Ukrainien Khroustchev.
Contrairement aux accusations des russophobes qui traitent la Russie de « prison des peuples », pour leur grande majorité elle est devenue la « maison maternelle ». Aucune ethnie vivant en Russie n’est disparue, aucune n’a été assimilée. Au contraire, l’existence au sein de la Russie est devenue pour plusieurs peuples européens une étape importante de leur développement national. Et c’est aussi la contribution de la Russie à la diversité de la civilisation européenne.
Les Finlandais, dont le développement séculaire au sein de l’Empire Russe est devenu une marche importante vers leur propre état s’en souviennent bien, contrairement aux Estoniens et au Lettons. Et pourtant avant le rattachement au début du XVIII siècle des territoires baltes à la Russie ces deux peuples subissaient une germanisation forcée. Il est probable, que ces peuples devaient partager le destin d’une autre ethnie balte – les Prussiens, assimilés par les ordres des chevaliers allemands. Depuis deux siècles au sein de l’état russe les Estoniens et les Lettons ont développé leur culture et leur conscience national, ont formé une élite nationale, ce qui a crée des prémices d’acquisition de leur indépendance et souveraineté. La réunification de l’Ukraine avec la Russie en 1654 a permis au peuple ukrainien d’éviter son assimilation forcée par la Pologne.
La Russie – une maison commune de dizaines de peuples européens et asiatiques qui y développaient leur culture et leur identité s’est formée comme une nation polyethnique. Elle est devenue un modèle quasiment unique où de différentes religions coexistent pacifiquement depuis des siècles. La discrimination religieuse, si elle existait en Empire Russe n’avait rien à voir avec les persécutions des hétérodoxes en Europe Occidentale. La Russie n’a jamais connu de guerres religieuses. Ceci étant, n’oublions pas qu’elle était et reste un grand état musulman ou vivent quelque 20 millions de musulmans. Au long de siècles la Russie a pu mettre au point un modèle stable de coexistence pacifique des traditions culturelles et religieuses européennes avec l’islam. Partager ce savoir-vivre avec l’Europe est une autre mission de mon pays, qui sera encore demandée.
Peut-être vous avez entendu parler du concept de « Troisième Rome », devenue aux XV-XVI siècles une sorte de doctrine officielle de l’Etat Moscovite. Les critiques de la Russie y voient encore une preuve historique de son agressivité. Mais en faite cette doctrine reflète la continuité de Moscou par rapport à Constantinople. La continuité spirituelle, car après la chute de la Byzance en 1453 la Russie restait le seul état orthodoxe indépendant. La continuité dynastique, car le prince russe Ivan III avait épousé la nièce du dernier empereur byzantin – Sofia Paléologue. C’est de la Byzance que nous avons hérité nos armoiries d’Etat – l’aigle bicéphale, et même le nom du pays – « Rossia », Russie. Contrairement à ce que certains prétendent ce mot n’est pas le nom d’un nouveau état qui n’est rien de la Rus’ d’antan, mais la calque du mot grecque, qui désignait la Rus’. C’est ainsi qu’appelait notre pays Sofia elle-même et les Grecques de son entourage.

Devenue continuatrice spirituelle de Byzance, la Russie a assumé une autre mission qu’elle n’a jamais abandonné depuis – défendre les peuples orthodoxes et chrétiens. Cette mission de la Russie a permis à la civilisation européenne de garder sa diversité à nos jours. Grace à la protection séculaire de la Russie plusieurs peuples, et non seulement slaves, ont pu sauvegarder leur identité linguistique et culturelle, accéder à l’indépendance et à la souveraineté, et pour certains d’entre eux – tout simplement survivre. C’est le cas des Arméniens, mais aussi des Géorgiens. Lorsque la Géorgie a demandé, de son plein gré de faire partie de l’Empire Russe, son territoire faisait à peine la moitié du celui actuel. Cela concerne en pleine mesure les Serbes et les Grecques, les Moldaves et les Roumains, les Bulgares, qu’on appelait chez nous les « frérots », et dont la liberté du joug ottoman a été payée en 1877-1878 par les vies de 200 000 soldats et officiers russes. Et de nos jours mon pays ne peut pas rester indifférent face aux massacres des chrétiens du Moyen-Orient.

Les réformes de Pierre I marquent encore une étape critique dans l’histoire russe. Pierre a effectué une modernisation totale du pays selon les standards occidentaux – armée, marine, administration d’état, arts et sciences – tout a été refait à la façon européenne. Cette modernisation était nécessaire, car au milieu du XVII siècle le retard russe par rapport à l’Europe, ou l’économie capitaliste était déjà en train de se former, était devenu évident.
Grace aux réformes de Pierre le Grand la culture et la science russes ont vite fait les leurs les meilleures acquis et réalisations européens, et les ont développés passant à un autre niveau qualitative.
Là, il convient d’évoquer le rôle joué par les Européens, qui au XVIII-XIX siècles immigraient massivement en Russie. Artistes, musiciens, architectes, sculpteurs et scientifiques français, allemands, anglais, italiens et autres se sont rués en Russie. C’est en Russie qu’ils ont créé leurs meilleurs œuvres, les œuvres qui font la richesse de notre civilisation et de notre patrimoine européen. Trezzini, Rastrelli, Rossi, Falconet, de Montferrand, Bruleau, Benois, Fabergé – leurs noms sont inscrits à lettres d’or dans l’histoire de la culture européenne. Il faut avouer pourtant que nous avons loupé deux personnages illustres – Mozart, dont la mort précoce l’a empêché de prendre le poste du recteur du conservatoire de Ekathérinoslav (aujourd’hui Dniepropetrovsk) – la capitale de Novorossia construite par Catherine II, et Napoléon Bonaparte qui n’est pas venu en Russie pour la seule raison, que selon les règles de l’époque les étrangers qui s’engageaient au service militaire russe perdaient en grade.
La synergie des meilleurs modèles occidentaux avec le potentiel humain, culturel et naturel russe a donné des résultats extraordinaires.
De nouveaux horizons s’ouvrent ainsi dans l’architecture et la peinture. Admirez les œuvres de Rastrelli, Bajenov, Kazakov – les modèles du baroque et du classicisme russe. Les peintres du XIX-XX siècles – Brullov, Repine, Sourikov, Ivanov, Serov – ont parfait la tradition européenne de la peinture réaliste. Aïvazovski est devenu une référence pour les marinistes du monde entier. C’est sur le sol russe qu’ont poussé de nouveau courants artistiques – l’avant-garde, le suprématisme, le constructivisme. Malevitch, Kandinsky, Chagall, Soutine, Gontcharova qui vivaient et créaient en Russie et en France appartiennent à notre patrimoine culturel commun.
La littérature russe qui s’est formé au XVIII siècle sous l’influence occidentale, a très rapidement commencé à influencer à son tour la pensée philosophique et artistique européenne. Savoir déployer toute la beauté, toute la richesse et toute la subtilité de la langue pour traiter des problèmes les plus profonds de l’homme, de la société ou de la religion c’est ce qui distingue l’œuvre de Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine, Gogol, Tchékhov, Boulgakov, Soljenitsyne.
La contribution russe à la musique européenne est aussi incontestable et universellement reconnue. Tchaïkovski, Moussorgski, Glinka, Rachmaninov, Borodine, Prokofiev, Chostakovitch. Mais je ne vais pas vous fatiguer en citant ici des dizaines de noms que vous connaissez tous.
Mais je tiens à évoquer tout particulièrement les liens culturels historiques entre la Russie et le Monaco. La scène de l’opéra de Monte-Carlo se souvient bien des récitals de Chaliapine, c’est ici que se sont produits les spectacles féeriques de Diaghilev, qui ont posé des bases au développement du ballet en Principauté.
Les sciences s’épanouissent en Russie depuis le XVIII siècle, à compter de Lomonossov qui avait formulé (20 ans avant Lavoisier!) la loi de conservation de la matière. Vers la fin du XIX siècle la Russie est une grande puissance scientifique dont les écoles dans tous les domaines sont mondialement réputées. Mendeleïev avec son tableau périodique des éléments, Pavlov qui a réalisé une vraie percée dans le domaine de physiologie, Vernadski et sa doctrine de noosphère, Vavilov qui a jeté les bases de la génétique, Tsiolkovski qui a ouvert à l’humanité la voie vers les étoiles. Korolev et Gagarine qui ont réalisé le rêve de Tsiolkovski. Grace à eux la langue russe est devenue la première langue extraplanétaire…

Depuis Pierre le Grand la Russie est de retour au « concert des nations européennes ». Dorénavant aucune décision importante ne sera prise sur notre continent sans son avis et son accord. L’influence russe en Europe atteint son sommet après les guerres napoléoniennes. En 1814 l’armée russe entre à Paris, Alexandre I est célébré comme « le roi des rois ». C’est la Russie qui décide du destin de l’Europe.
Mais comment est-ce-qu’elle s’y prend? A en croire les russophobes, elle devrait réduire les Européens en esclavage et déporter ceux qui n’étaient pas d’accord en Sibérie. Et il faut avouer, que les Français hébétés par la propagande s’attendaient que « les barbares du nord » se comportent de la même façon que les soldats de Napoléon en Russie – se mettent à bruler les villes et à piller les habitants. Et pourtant les Russes non seulement ne se sont pas vengés, mais ont empêché de le faire à leurs alliés Prussiens et Autrichiens. Alexandre a pris les villes françaises et leur population sous ses auspices. Un fait rare dans l’histoire – les habitants reconnaissants de Reims ont offert au commandant russe de la ville le prince Serge Volkonsky son portrait et un écrin orné de diamants.
Les Français ont pillé et brulé Moscou – la capitale ancienne de la Russie, et les Russes ont protégé Paris. Plus que cela, Alexandre a refusé la proposition du Prusse et de l’Autriche de saisir le patrimoine culturel français. Et pourtant Dominique Vivant Denon – directeur général et conservateur du Louvre avait déjà ordonné d’emballer les collections pour les envoyer en Russie. Il croyait naturel que les Russes agissent de ma même façon que les Français l’ont fait au Kremlin, ce qui lui a valu une réprimande de l’Empereur russe.

Alors, comment la Russie s’est-elle servie de sont rôle dominant en Europe? A-t-elle cherché à exporter son modèle sociale? Ou bien à introniser ses protégés? Non. Les accords de Paris, et plus tard le Congrès de Vienne ou la Russie à joué un rôle décisif, ont mis au point un système stable de la sécurité européenne, basée sur le respect des droits des peuples et l’intégrité territoriale des états. Un système qui a assuré la paix sur le continent pendant presqu’un demi-siècle. C’était bien la Russie qui a insisté sur la souveraineté de l’Etat français dans ses frontières historiques. Elle comprenait à l’époque déjà le rôle et l’importance d’une France forte et indépendante pour la sécurité européenne. C’est en grande mesure grâce à la Russie qu’a été rétablie la souveraineté de Monaco, supprimée après la Révolution française.
L’expérience du Congrès de Vienne et plus largement des trois derniers siècles montre avec évidence que ce n’est qu’avec la Russie qu’on parvenait à créer des mécanismes fiables de sécurité sur notre continent. Et au contraire, toute tentative de le faire sans la Russie, par son isolement, – comme ce fut le cas après la Guerre de Crimée ou après la Première guerre mondiale (le système de Versailles) ont eu des résultats pitoyables.
La Russie a joué un rôle décisif dans la défaite de l’Empire napoléonien. Mais cet empire n’était qu’une tentative de bâtir une Europe Unie. Napoléon rêvait lui aussi d’une Europe « sans lignes de partage », il voulait même se faire couronner à Moscou « empereur de l’Occident ». Pourquoi cette mission si noble d’apparence a-t-elle échoué? Parce qu’il s’agissait de l’unité basée sur la domination unipolaire. Naturellement les peuples de l’Europe ne l’ont pas accepté. Et ceci malgré le fait, que le niveau de vie et la qualité des instituts sociaux en France était bien supérieur que dans plusieurs autres pays.

Pierre I a habillé la Russie à la mode européenne, mais sous ces habits son « corps », c’est-à-dire le modèle social basé sur le servage et l’absolutisme, a resté le même. Le démontage de ce modèle est le mérite d’Alexandre II – tsar libérateur qui a supprimé le servage et a ramené la Russie dans la voie du développement socio-économique européenne. Avec ses reformes commence le développement rapide du marché et des instituts civils. Vers la fin du XIX siècle la Russie tienne la première place au monde pour les rythmes de croissance industrielle.

La Première guerre mondiale. Du temps soviétique cette période a été rayée de notre mémoire nationale, mais en Occident on a aussi cherché à diminuer le rôle que la Russie y avait joué. Heureusement nous sommes en train de rétablir la justice historique. En 1914 la Russie fidèle à son devoir d’alliée est venue à l’aide de la France, lui permettant de tenir dans la bataille de Marne. Pour apprécie la contribution russe à la victoire commune des Alliés il suffit de rappeler les paroles de maréchal Foch: « Si la France n’a pas été rayée de la carte de l’Europe, c’est avant tout à la Russie que nous le devons ».

Je passe maintenant à la page dramatique de notre histoire – la Révolution d’Octobre. Les discussions sur l’importance et le rôle de cet événement continuent en Russie jusqu’au présent. Certains considèrent la révolution et la période soviétique qui l’a suivi comme une étape inévitable de l’histoire russe. D’autres, comme Soljenitsyne, sont persuadés qu’il s’agit d’une « cassure » où la Russie a dévié de sa voie historique. D’ailleurs, la Révolution française ne fait pas l’unanimité en France non plus. Peut-être pour porter un jugement objectif et évaluer les conséquences des faits d’une telle ampleur il faut tout simplement avoir un recul historique encore plus important.
On prétend que l’expérience soviétique à discrédité l’idée socialiste telle quelle, ce qui a affaibli l’idéologie des partis gauches en Europe. Je ne suis pas d’accord avec cette vision. Juste au contraire, la Révolution d’Octobre a poussé les pays occidentaux à développer une économie « socialement orientée » et à renforcer l’égalité sociale. Elle a fait comprendre que l’exploitation effrénée et abusive des travailleurs peut tourner mal. De ce point de vue la Russie au prix d’une expérience sur elle même a aidé aux partis gauches européens d’atteindre plusieurs de leurs objectifs, et à toute l’Europe à construire une société plus juste.
Les Russes et autres peuples de l’ex-URSS ont payé cher cette tentative échouée du socialisme. La guerre civile et les répressions staliniennes ont emporté des millions de vies. Nous avouons ces pages noires de notre histoire. Mais nous estimons qu’il est malhonnête et inadmissible d’instrumentaliser ces événements tragiques à des fins politiciennes.

C’est ce qui se passe avec Golodomor – la terrible famine qui a frappé l’URSS dans les années 1930. Les nationalistes ukrainiens y voient un acte de génocide de leur peuple. Leur objectif est clair – présenter l’Ukraine comme victime de la Russie, enfoncer un coin entre deux peuples-frères, les Russes et les Ukrainiens. Mais ils omettent délibérément de dire que l’Ukraine, comme toutes les autres républiques de l’URSS, n’était point « subordonnée » à la Russie. Que les Ukrainiens étaient largement représentés dans les échelons supérieurs du pouvoir soviétique. Que la famine a très fortement frappé les régions russophones de l’Ukraine. Enfin que d’autres régions agricoles de l’URSS comme le bassin de la Volga, le Caucase du Nord ou le Kazakhstan ont eux-aussi vécu cette tragédie. Golodomor était un crime du régime, le résultat de la collectivisation. C’était un coup porté à toute la classe paysanne, mais en aucun cas le génocide d’une telle ou telle ethnie, tel ou tel peuple.

Le XXème siècle a été marqué par un flux massif de plusieurs millions de migrants russes, puis soviétiques vers les pays d’Europe. Ces émigrés et leurs descendants ont apporté une contribution, et pas la moindre, au développement de la science et la culture européennes, se sont distingués dans le business ou la fonction publique. Pour n’en citer que quelques-uns j’évoquerai Maurice Druon, Henri Troyat, Serge Gainsbourg, André Citroën, Hélène Carrère d’Encausse, Zinovi Pechkov et beaucoup d’autres.
L’année ou nous fêtons 70 ans de la Victoire dans la Deuxième Guerre Mondiale, il serait opportun de se rappeler que s’était bien l’Union Soviétique qui a sauvé les peuples de l’Europe d’asservissement et pour certains d’entre eux – d’extermination. Plus de deux tiers de puissance militaire nazi ont été détruits au front de l’Est. Mon pays a payé cette victoire au prix de 27 millions de vies, dont plus de 20 millions de civiles. Selon différentes statistiques jusqu’à moitié de victimes de la Shoah étaient citoyens de l’URSS. Rien que la libération de Pologne a couté plus de 600 milles vies de soldats et officiers russes. Il est évident, que sans victoire au Stalingrad il n’aurait pas de débarquement en Normandie.

Aujourd’hui les falsificateurs cherchent à faire partager la responsabilité de la guerre entre l’Allemagne et l’URSS, se référant entre autre au pacte Molotov-Ribbentrop. Certes, comme l’histoire l’a démontré ce pacte était une erreur, et sa signature a été officiellement condamnée en Russie. Mais rappelons-nous que l’URSS était le dernier pays à signer avec l’Allemagne un tel traité de non-agression. Avant lui la Pologne, la France et la Grande-Bretagne l’avaient fait. N’oublions pas non plus que le pacte était précédé d’accords de Munich et du partage de la Tchécoslovaquie, dont la Pologne a reçu sa part. Souvenons-nous que Paris et Londres avaient refusé la proposition de l’URSS de conclure une alliance tripartite contre l’Allemagne. Ce pacte n’était qu’une tentative de Moscou de contrecarrer le jeu politique de l’Occident, qui cherchait à canaliser l’agression des nazis vers l’Est. En ce qui concerne le partage de l’Europe de l’Est, prévu dans le pacte, il faut comprendre que l’URSS n’avait pas de choix.

Nous sommes très préoccupés par le phénomène d’héroïsation des nazis et leurs acolytes qui se propage dans certains pays européens, avant tout dans les états Baltes et en Ukraine. On cherche à présenter les bourreaux nazis comme « combattants de la liberté » qui se sont battus contre la Russie bolchéviste pour l’indépendance de leurs pays. Comme si les nazies réservaient aux peuples de l’Europe, dont les Baltes et les Ukrainiens, la liberté et la démocratie, et non pas l’asservissement. Ce n’était pas la guerre que Hitler menait contre « le régime stalinien ». C’était la guerre pour l’extermination des peuples. La Russie, le pays qui a écrasé le nazisme et qui en a payé le prix le plus fort, s’oppose et s’opposera toujours au révisionnisme et au revanchisme historique. C’est aussi notre mission historique. Celle de défendre la civilisation européenne.
L’URSS aspirait à élargir son sphère d’influence et exportait activement son modèle social. Tout comme le font aujourd’hui les Américains qui marchent sur le même râteau. L’URSS exportait le « socialisme », les Etats-Unis exportent la « démocratie ». Les uns et les autres ont oublié un des postulats majeurs du marxisme (quoique pour les Américains c’est pardonnable): chaque société est fruit des son évolution historique objective, et non pas d’entente ou de décision de ses membres. Si c’était autrement on vivrait déjà au paradis. Les tentatives d’imposer à tel ou tel peuple un modèle social qui ne tient pas comptes des particularités des son expérience historique résultent soit d’un paravent – d’une décoration (peu importe « socialiste » ou « démocratique ») qui cache le même modèle traditionnel pour ce pays, soit mènent vers un ‘écroulement total de l’état, le chaos et la guerre civile. C’est ce que nous voyons aujourd’hui en Lybie, en Irak, en Syrie ou au Soudan du Sud.

Après la chute du mur de Berlin et le retour de la Russie sur la voie du développement démocratique nous espérions pouvoir construire ensemble notre « maison européenne commune », réaliser enfin le rêve du général de Gaulle d’une Europe Unie. Depuis ce moment la Russie suivait la logique d’intégration avec l’Occident. Elle militait pour la « Grande Europe » qui serait notre espace économique, sécuritaire et humain commun. Toutes nos initiatives visaient cet objectif. Hélas, les Etats-Unis et certains de leurs alliés n’ont jamais pu surmonter la psychologie de la « guerre froide ». De fait ils n’ont pas détruit le mur de Berlin, mais se sont employés à le déplacer vers l’Est, à le reconstruire cette fois le long des frontières russes. Cela se fait à travers l’élargissement de l’OTAN et de son infrastructure militaire, à travers la construction du bouclier anti-missile, le soutien des forces russophobes dans les pays voisins de la Russie, à travers le « partenariat oriental » qui vise à arracher à la Russie ses voisins et partenaires économiques traditionnels. Cette politique des « sphères d’influences » a fini par provoquer la crise en Ukraine. On a mis le pays où les peuples-frères russe et ukrainien vivaient depuis des siècles cote à cote devant un choix absolument artificiel entre la Russie et l’UE. Ce choix a déchiré le pays en deux. Le coup d’état nationaliste perpétré à Kiev a provoqué une réaction sous forme de référendum en Crimée et du soulèvement dans le Sud-Est.
Je tiens à souligner tout particulièrement, que ce qui se passe aujourd’hui entre la Russie et l’Occident – n’est pas une « guerre froide » dans le sens traditionnel de ce terme. Il ne s’agit pas d’une opposition idéologique des deux systèmes politiques différents. C’est un cas d’une confrontation géopolitique classique, une confrontation qui est imposée à la Russie.

Les russophobes cherchent à le justifier par des raisons idéologiques, comme quoi la Russie s’oppose à l’Europe car elle défend les valeurs traditionnelles. Sur ce plan il faut bien préciser – ce n’est pas à l’Europe que la Russie s’oppose, mais aux tendances que l’on voit dans certains pays européen et qui consistent à ternir, à diluer les valeurs traditionnelles, ces-mêmes valeurs auxquelles l’Europe doit son statut d’une grande civilisation. Il s’agit bien des valeurs traditionnelles de la civilisation européenne. La Russie les défend et continuera à la faire, car ces valeurs sont aussi les nôtres.
Pour sortir de la confrontation géopolitique d’aujourd’hui il ne suffit pas de régler la crise en Ukraine, qui n’en est qu’un épisode. Il faudra renoncer une fois à jamais à la logique des « sphères d’influences » et se mettre ensemble à la construction d’une Europe unie de l’Atlantic au Pacifique.
Je suis certains que la raison remportera. L’affinité civilisationnelle entre la Russie et l’Europe laisse espérer que les tensions actuelles seront surmontées. De toute façon, personne ne saura mettre sur les listes des sanctions européennes Dostoïevski et Tolstoï, Tchekhov ou Tchaïkovski. Personne ne saura donc arracher la Russie à l’Europe.
Encore une chose que je tiens à souligner. Le rôle constructif important que joue Monaco dans la situation actuelle. Depuis les dernières années les relations russo-monégasques ont trouvé un nouveau dynamisme et une nouvelle qualité, elles sont devenues vraiment amicales. La décision du Président Poutine et de SAS Prince de Monaco Albert II de proclamer 2015 l’Année de Russie à Monaco en est la meilleure preuve. Permettez-moi de remercier les autorités monégasques pour le soutien de cette initiative.
Je suis persuadé que la réalisation d’un projet d’une telle envergure, qui compte plus de 140 manifestations différentes dans tous les domaines pourra non seulement rapprocher d’avantage nos pays, mais aussi démontrer à quel point les tentatives d’opposer la Russie et l’Europe au niveau civilisationnel sont vaines. Je veux espérer, que le caractère exemplaire des relations russo-monégasques servira d’exemple à d’autres partenaires européens. « 

 

Texte tiré du site de l’Ambassade de Russie en France.